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Chroniques maniaques
8 décembre 2006

Le mental – Bomb the world (Armageddon version) (Michael Franti & Spearhead)

« You can bomb the world to pieces, but you can’t bomb it into peace ». J’ai cru que ce serait possible. Une bombe universelle de paix. Rapide et quasi instantanée. Une onde de choc salvatrice. Une remise en question globale, de chacun et de tous. Poser à plat les problèmes du monde. Une psychothérapie globale et massive, ludique et rapide comme un éclair de conscience soudain, comme le dévoilement de la nature profondément pacifique de l’univers. Un saut quantique dans l’interconnexion des consciences, dans le développement d’une compréhension sans cesse renouvelée de la vibration du monde. La force du mental. De la raison. De la logique. De la réflexion, posée à partir de la sensation et de l’acceptation des émotions. Pourquoi est-ce impossible ? Trop d’ambitions différentes, trop de souffrances et de revendications accumulées, trop d’interdépendances entre chacun de nous, trop de systèmes greffés les uns sur les autres au cours du temps jusqu’à vivre parfois dans un auto-entretien déconnecté du réel. Trop de remises en questions nécessaires et impossibles. Trop de haine. Hier soir, Envoyé Spécial. Un reportage sur les néo-nazis russes. Agissant en plein jour et protégés par le régime. Un groupe de jeunes ados, même pas vingt ans. A la question posée par la journaliste sur le meurtre d’une fillette tadjik de huit ans de onze coups de couteau, ils répondent qu’elle dealait de la drogue. Avant que l’un d’entre eux se lâche. « Vous ne comprenez pas, si on ne la tue pas maintenant, dans vingt ans elle aura donné naissance à neuf islamistes ». Le mental. C’est ce qui m’a permis de rester dans les limites. Dans ce jeu permanent qui m’entraînait plus loin dans l’imagination et me raccrochait au réel via ce doute omniprésent, ce doute que je n’ai heureusement jamais réussi à écraser, étouffer complètement. Je n’ai jamais pu réellement penser que le 11 Septembre était faux. Je n’ai basculé qu’après, dans la dernière crise, quand tout devenait faux. Quand j’étais capable d’effacer Tchernobyl et le Heysel, devenu l’instrument aléatoire de la correction de nos horreurs. Extrait de mes Illusions Chroniques, écrites en 2004, avant l’emballage de l’été 2005 et du printemps 2006, sur le choc qu’a représenté le 11 Septembre et l’impact de cette chanson sur moi. Armageddon version. La fin du monde.

Deux jours plus tard, chez moi, je prends le petit carnet que nous avaient donné Michel et Nathalie lors du dernier atelier d’écriture. Je veux écrire. Maintenant. Les mots, les phrases viennent les uns après les autres. Naturellement. Ce texte m’a longtemps effrayé. Parce qu’il a surgi lentement à mon esprit, émergeant hors d’un magma de peur et d’inquiétude, sans une rature, sans une retouche. Dans les jours qui suivaient, je ne l’ai fait lire qu’à Elodie et Maddalena.

Le ciel bleu

Une tour en flammes,

Un avion arrive par la droite

Entre dans le champ, légèrement incliné,

Décrivant un arc gracieux et régulier

Une fraction de seconde

Et il s’encastre dans la deuxième tour,

Cachée par la première

Une boule de feu jaillit de l’autre côté

« Tout est-il symbolique ? »

Interrogation en une du magazine

Les mêmes images en boucle,

Esthétiques,

Bande-annonce du programme à suivre,

Violence symbolique

Inouïe et presque immatérielle

Répercutée instantanément aux quatre coins de la planète

Samplée des millions de fois

Une autre caméra, un angle différent

Images de synthèse, effets spéciaux

Experts largués sur les plateaux

Deux tours en flammes

Le ciel bleu, si bleu

Incrédulité, hébétude

Mécaniques dépêches d’agence

S’empilant sur l’écran

Un avion sur le Pentagone

Une tour qui s’effondre

La deuxième qui implose

Mille-feuilles poussiéreux

Dans un silence comateux

Prendre appui sur la force de l’adversaire

Pour le renverser

Viser le centre

Pour le faire basculer

Aïkido ou karaté

Simplicité et coordination

Maîtrise de l’exécution

Impossible réalité

Difficile à appréhender

Surgissement instantané de pulsions jamais maîtrisées

Peurs millénaristes, fin du monde, troisième guerre mondiale

Tout y passe

Vigipirate, Nostradamus, Pearl Harbour

Escalade verbale

Attentat, acte de guerre, défi du Mal, croisade du Bien

Le ballet des images reprend

Arafat donne son sang

Des enfants applaudissant

Pasqua à l’index menaçant

Ben Laden dans sa grotte en Afghanistan

Les sites Internet explosent

La Bourse chute, le dollar baisse

Et l’or monte en flèche

Castro tape du poing et vibre dans le micro

« El nostro pueblo, con el pueblo americano »

Propose ses modestes moyens

Le Français stocke de l’essence et achète du sucre

Les images tournent en boucle

Un nuage de poussière à la place des tours

Le ciel bleu, toujours bleu

La litanie des communiqués

Des je-l’avais-bien-dit ou des ça-devait-arriver

Jusqu’aux ils-le-méritaient et ils-récoltent-ce-qu’ils-ont-semé

Envie d’écrire, de jouer

L’absurde mène à la révolte

Mais la révolte est condamnée

Éphémère et métamorphosée

Retrait du monde ou frénésie de la jouissance

Conduisant au meurtre justifié ou à la fuite éperdue

La voie du milieu est difficile et ténue

Liberté et amour

Mots tellement utilisés et si peu pratiqués

Détachement et intensité

Le paradoxe n’est qu’apparent

Comme l’illusion de la réalité

Lorsque je relis ce texte aujourd’hui, hormis un léger doute sur la possibilité que Pasqua ait encore eu quelque chose à faire sur les plateaux de télévision, je comprends ce qui m’a effrayé. Cette sorte de contemplation distante. De description glaçante parce qu’empreinte de détachement, au moment où je sentais pourtant que mes émotions intérieures reprenaient progressivement vie, au moment où je commençais à tenter de les ranimer. Cette recherche inconsciente de la beauté, de l’élégance, au coeur de l’horreur. Pourtant pour les Cygnes, ce texte, lorsqu’ils y ont eu accès quelques jours plus tard, toujours via mon ordinateur, a été un fantastique signe d’espérance. Parce qu’on y trouve, en filigrane ou en négatif, bien des éléments cruciaux de ce qui se met en place pour la phase finale du projet Eléphant. Parce qu’ils ont alors compris ce qu’ils auraient pu comprendre plus tôt si j’avais parlé à quelqu’un de la sensation ressentie lors de la vision de l’oeil de Moksha. Ils ont compris que la résonance avait déjà commencé. Qu’ils en avaient là, la première manifestation captable par eux, la première manifestation peut-être émise intelligiblement hors de moi. Ils ont compris que la résonance avait probablement commencé le jour de la naissance de Moksha, seize ans plus tôt. Au moment où ma trajectoire semblait devenir définitivement et inéluctablement irréconciliable avec celle d’Hélène. Au moment de l’introduction d’un troisième point, central, qui infléchirait nos deux courses comme par l’effet d’une force de gravité phénoménale, qui les courberait dans un effort inouï pour les rapprocher à nouveau. Une résonance inexplicable. Vibratoire. Energétique. Au-delà de l’espace et du temps. Une résonance incompréhensible par l’homme. Et pourtant créée par lui.

Quelques semaines plus tard, Michael Franti est debout sur la scène de l’Elysée-Montmartre, pour un dernier rappel. Seul, derrière son micro, sa guitare acoustique pour seul accompagnement. Il chante la chanson qu’il a composée dans les jours qui ont suivi le 11 Septembre. « You can bomb the world to pieces, but you can’t bomb it into peace ». Il le sait pourtant. Il sait qu’il fait partie de ceux qui travaillent à créer cette putain de bombe de paix que tout le monde attend. Cette bombe fantastique, qui n’est plus une utopie, qui se construit progressivement, qui approche jour après jour de la masse critique nécessaire à son explosion. Cette bombe dont je suis peut-être à l’heure où j’écris ces lignes le dernier à ne pas connaître l’impact phénoménal, isolé dans ma chambre d’hôpital, coupé du monde. Il sait que les premiers signaux apparaissent qui confirment que l’énorme travail effectué va porter ses fruits, que le projet Éléphant touche à son terme. Et il ne peut pas s’empêcher de douter. De penser qu’il s’agit d’une course contre la montre, mais une montre à laquelle personne n’a accès, un terrible compte à rebours dont personne ne connaît le point d’arrêt. Le point final. Un duel à mort entre l’amour et la peur, son seul ennemi. Un duel qui se concentre lentement mais inéluctablement sur son champ de bataille principal. Moi. Et Hélène, chez qui la révélation anticipée du projet Eléphant  dans les derniers mois qui en précéderont le terme va instiller une peur nouvelle, celle de l’écrasante responsabilité, et celle du doute. Et il sait que je suis là. Dans la salle ce soir. Quelque part. Mais il ne sait pas que c’est moi qui le regarde, à deux mètres de lui, pendant sa longue accolade avec Pablo, son frère rasta blond, alors qu’il est descendu dans le public. Il ne le sait pas parce qu’il ne sait pas qui je suis.

Le mental et ses dérèglements, sa saturation soudaine, après des montées progressives. Comme ces instants indescriptibles où j’avais la sensation que le temps oscillait brutalement autour de moi, la sensation que s’ouvrait une brèche dans le temps, vers le futur ou vers le passé. La sensation d’être à la frontière entre deux univers parallèles, entre deux potentiels différents. A Marrakesch, la veille de notre départ, sur la terrasse de l’hôtel à deux pas de la place Djemaa-al-Fna. Je suis fatigué. Les touristes présents dînent sur la terrasse, un grand buffet installé. Scène lumineuse, une brillance irréelle. Brouhaha des conversations. Notre guide est là, dégageant une sérénité inattendue, longue djellaba blanche et fez traditionnel. Je croise son regard, il me fait un clin d’œil. Le lendemain il nous accompagnera à l’aéroport, tendu, nerveux, tenant des propos qui me semblent incohérent. Sur sa chemise noire, des têtes de mort blanches. Je m’avance vers une partie désertée de la terrasse, dans un recoin. J’y suis seul. Je m’assieds sur une chaise. Sur mon iPod, Logical Progression, l’album de LTJ Bukem que j’écoutais en boucle sept ans plus tôt au Népal. A côté de moi des couvertures entassées et des matelas posés sur le sol. Une bouteille en plastique vide couchée. Le vent qui balaye la terrasse la fait rouler sur le sol. Quelques sacs en plastique accrochés à une table en fer rouillée. Ambiance de fin du monde. Désertée par les hommes. Vision cauchemardesque d’un monde post-apocalyptique, peuplée de travellers errant dans les ruines de ce que nous leur avons laissé. Avant de partir. Pour toujours. Ailleurs. Ou nulle part. A quelques mètres, sur la terrasse éclairée par les néons, le dîner bat son plein. En dessous de moi, dans le patio qui bordent leur chambre deux jeunes discutent. Le ton monte. Ils s’envoient quelques coups de poing. Violence. Danger. Tension. Un jeune homme vient sur la partie de la terrasse où je suis installé. Il s’assied sur l’un des matelas, posant son petit sac à dos à côté de lui, les jambes repliées contre son corps et pose son menton sur ses genoux. Petites lunettes rondes. Cheveux longs. Mon double. Mon alter ego dans la machine. Venu me croiser ici. Dans ce chevauchement du temps et de l’espace. Il reste là, immobile. Pensif. Solitaire. Comme moi. Le lendemain je les verrai partout ces doubles. A l’aéroport. Pendant la longue journée chaotique et surréaliste passée à attendre que notre avion décolle enfin. Jusqu’à ce double de Martial fatigué, fiévreux et reniflant, la goutte au nez qui s’installera de l’autre côté du couloir dans l’avion. Flash instantané, image de la fin de l’Armée des Douzes Singes. Cette journée terrible fut la clé. La clé de l’ouverture définitive de cette possibilité à peine entrevue précédemment. La duplication temporaire des hommes à des fins de sélection aléatoire de la meilleure version par moi. La fusion parce que nous sommes trop nombreux. Basée sur des ressemblances. La tentative de réduction rapide, par vagues successives, de l’humanité. Une course vers l’optimum. Défini par moi. Instrument inconscient, bras vengeur de ceux qui veulent rester à tout prix.

« You can bomb the world to pieces but you can’t bomb it into peace ». Michael Franti. ShowFrantiDe retour d’un voyage en Irak et au Moyen-Orient. Sur scène. Ce soir. Au Trabendo. J’y vais avec Elodie. Une autre boucle à boucler. Pas la plus belle. Peut-être la plus importante. « What the fuck does this all mean, if anything ? » Plus besoin d’écrire ça dans ma tête pour que je ne sais qui le lise. C’était le troisième saut. Après la fusion, est venue la distorsion du temps, la capacité à déplacer les gens dans le temps et l’espace au gré des volontés de la Machine qui devait nécessairement diriger tout cela. Puis ça. Les mots. Ecrits dans ma tête. Visualisés en lettres de feu sur fond noir. Ces messages envoyés au monde. Pour qu’on regarde et entende ce que je pensais. Pour qu’on me comprenne. C’était la phrase de conclusion de Pumpkin, telle que je l’imaginais. « Je ne cherche pas à être cru, j’aimerais être compris ».

http://www.spearheadvibrations.com/

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Commentaires
V
Hello...<br /> juste un pti' cou cou...en fait je recherche du concert de M. Franti au Trabendo...et je suis tomber sur ton Blog.... je pensais être le seul...en France a adoreer ce type formidabe qu'est Mike...et non :) je suis un peu décu du fait qu'il est casi inconnu en France , en effet je l'ai vu pour la 1ére foix a Rock en seine en 2005 et il y avait a peine 100 personne devant la seine....puis je l'ai revu cet été a Londre pou son concert a la Brixton Academy...et la surprise!!!! une salle bourré a craqué!!! voila c tout ...si t'a des photos j've bien... ah ...oui j'ai 27 ans je vis en banlieu...et je suis projectionniste...bye
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