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Chroniques maniaques
26 octobre 2006

La conscience – Where does it lead ? (Diving with Andy)

Où mène la conscience ? Qu’apporte une conscience accrue du monde, plus aiguë ? J’ai cru qu’il était pour moi cet album, un de plus parmi une série construits métaphoriquement à partir de mon histoire. Une plongée avec Andy, sans savoir quel serait le bout du chemin. Une voix sensuelle, alternativement proche de celle de Lou Rhodes ou de celle de Fiona. Comme sur ce morceau. Une plongée exploratoire dans ma conscience, soumise à des stimuli incessants et contradictoires, externes et internes. Pour dégager un chemin progressivement, en mettant en résonance la grande Machine qui seule pouvait gérer l’accélération chaotique des événements autour de moi, balancer les gens dans le temps et l’espace, les faire virevolter et les positionner exactement où et quand c’était nécessaire pour que je les inclue dans mon scénario global, pour que je leur trouve une place. Plonger dans ma conscience. Tailler à la hache le chemin. Tout remettre en question, toujours. Chercher une épure. Ouvrir la porte au surgissement de l’inconscient, à sa mise à jour. Fantasme de puissance. Des femmes magnifiques, nécessairement folles de moi, puisque je suis devenu si intelligent. Si précis, si synthétique. Puisque je suis capable de résumer en quelques phrases chocs ce que j’ai appris progressivement, ce dont vous m’avez nourri le long du parcours. Vous vouliez fabriquer un leader réticent, quelqu’un qui ne cesse de refuser ce pouvoir que vous lui offririez, tout en se consumant en le poursuivant. Je ne pouvais résister à cette poussée intérieure inimaginable qui me conduisait à collectionner sur ma liste ces femmes inaccessibles, proches initialement pour certaines puis de plus en plus éloignées et idéalisées au fur et à mesure que le jeu continuait. Deux stars et cinq proches dans la première liste, constituée en trois heures de déferlement mental, un one-man-show ultra-rapide dans ma tête scandé par rires, applaudissements et pleurs d’un public imaginaire et que j’imaginais retransmis dans le monde entier. Deux jours avant ma première entrée à l’hôpital pour quelques jours. Il y a bientôt trois ans. Dix-neuf dans la dernière liste. Juste avant mes sept semaines d’enfer à l’hôpital. Il y a six mois. Déjà. Quinze stars. Une photo anonyme. Trois « réelles » seulement. Reléguées loin dans la liste. J’avais peur qu’elles aient peur de ne pas être à la hauteur… difficile aujourd’hui d’écrire cela sans tenter de sourire ou me sentir légèrement honteux.

Conscience. Pleine conscience. Conscience de soi, conscience du monde. Conscience des autres. Conscience de son corps, de son énergie, des limites de son corps et de l’infini sans limites de l’énergie. Conscience de vivre, à chaque instant. Conscience du temps, élastique et à géométrie variable. Conscience du vide. Sur lequel se bâtit notre monde. Illusion de la réalité. Pénétrer au-delà du monde, entrer dans la profondeur insondable de cette énergie qui nous anime, de cette vibration centrale, de ces oscillations permanentes qui minent et fondent perpétuellement dans un mouvement éternel ce qui est, ce qui devient, ce qui disparaît. Elargir le champ de notre conscience de ce mouvement. J’ai cru que c’était notre seule tâche, notre seul chemin commun quel que soit la voie de surface qui était empruntée pour y parvenir. Sans jamais que le chemin ne se termine. A l’échelle d’une vie humaine. Impossible de tout comprendre, de tout saisir, de décoder les myriades d’informations, d’actions et d’interactions qui agitent le monde. Conscience et compréhension. Conscience d’abord, pour laisser la place à la justesse. La compréhension comme synthèse, comme bâtie sur la solide fondation d’une conscience étendue. Where does it lead ? Qui le sait ? Qui, parmi tous ceux qui colloquent, convoquent, prêchent ou prétendent voir ou savoir ? Et si l’un deux le savait, qui le croirait, qui l’écouterait ? J’ai cru que le monde entrait en résonance progressivement, que nous sortions du long tunnel de souffrance de l’humanité, qu’une prise de conscience se produisait, une création de conscience, prise, puisée par l’humanité. Rien ne se perd, rien ne se crée. L’énergie de la conscience peut-elle échapper à ce principe physique ? Rien ne se perd, tout s’encaisse. Version désespérément humoristique attribuée par Lubat à un anonyme gascon. L’intelligence collective. Est-ce une illusion ? Tous ceux qui ont expérimenté ces situations dans lesquelles des idées surgissent soudain, comme apparue par miracle, diront le contraire. Il faut essayer. Je ne sais pas où essayer. Je ne sais pas comment essayer vraiment. J’ai peur de me livrer. Je me suis consumé violemment pendant ces trois années, j’ai brûlé chacun de mes idéaux à la flamme du questionnement, du regard intérieur. J’ai regardé sans concession ce que j’étais au fond. Un ego. Je l’ai regardé se boursoufler, éructer, se contorsionner pour se justifier, se laisser aller à la facilité, à la paresse. J’ai pris conscience de moi.

Tout est peut-être exactement à sa place. Le monde est peut-être parfait. Ou le plus parfait possible. Compte tenu des conditions initiales. C’est ce que je disais pour tenter de m’en sortir quand la pression devenait trop forte. Je criais intérieurement que je ne pouvais pas garantir que nous avions trouvé la meilleure solution. Que la situation qui s’actualisait n’était que la résolution chaotique de l’équation complexe du monde, compte tenu des conditions initiales qui avaient été celles de tout ce merdier, quelque part dans les années soixante, quand ce gigantesque et fou projet avait été lancé. Je ne voulais pas être l’optimum. Le point focal de la solution. Le fruit de secousses sismiques de la conscience collective. Je ne voulais rien être de particulier. Et je vibrais intensément à la sensation que j’étais extraordinairement ordinaire. Que ma destinée pouvait avoir été façonnée ainsi. Je cherchais à comprendre quand j’avais été choisi. Et pourquoi. Dès la naissance. Parce que mes parents étaient ce qu’ils étaient. Un couple d’enseignants français, laïques, athées et de gauche. J’échafaudais des théories pour comprendre pourquoi la France. Un pays à la longue histoire et à l’ancienne culture. Un perdant de la deuxième guerre mondiale. Je remontais et modifiais la généalogie de mes parents pour savoir comment on avait pu les identifier. J’imaginais qu’on avait peut-être provoqué leur rencontre, que mon père savait peut-être tout depuis le début, qu’il avait été en mission. A moins qu’on m’ait choisi plus tard. Parce que j’étais plutôt intelligent. Et que je ne parlais pas beaucoup. Le profil idéal. Pour un leader réticent. Pour bâtir une pression interne phénoménale sans que ne cèdent trop rapidement les barrières qui l’isolaient de l’extérieur.

J’ai résisté. Tout le temps. J’ai fui parfois, j’ai évité, je me suis laissé porter par le courant en tentant de m’orienter. Je n’ai que très rarement lâché. Seulement quand c’était trop. Quand le torrent de mes pensées balayait tout sur son passage. Quand j’étais physiquement et nerveusement à bout. J’ai dit à Elodie que j’étais amoureux de Moksha. Que je me suiciderais si je ne la voyais pas. Ce n’était pas exactement vrai. Je crois. Un an plus tard, je lui ai dit que j’étais amoureux d’Hélène. C’est très complexe à expliquer. Très longue histoire. Pas une fixette de fan. Quelque chose de différent. Ethéré et intense. Irréel, en fait. Totalement irréel. J’ai été à deux doigts de lever la main sur Elodie. Pas vraiment en fait. J’ai cru que vous vouliez m’y forcer. Je voulais sortir de cet appartement, me ruer à l’étage au-dessus pour voir qui m’y attendait. A deux heures du matin. Elle m’en a empêché. J’ai senti une fraction de seconde que je pourrais l’écarter violemment. J’ai hurlé « c’est ça qu’il faut que je fasse, il faut que je te frappe ? ». C’est à peu de choses près la seule phrase prononcée oralement, vers l’extérieur, que je regrette vraiment. J’ai tué Elodie. Un soir, dans ma cuisine. Elle est venue, en silence. C’était trois heures du matin, je fumais des cigarettes. J’ai eu l’impression de la voir plus jeune. J’ai eu l’impression que ce n’était pas elle. Que c’était l’une d’elles. J’en avais quatre, ou six en tête à ce moment-là. J’ai pensé que celle-ci venait me dire adieu. Qu’elle ne m’avait jamais connu et qu’elle allait disparaître. Elle n’a pas dit un mot. Elle me regardait silencieusement. Je lui ai dit silencieusement qu’il n’y avait pas de place pour elle, que j’étais désolé. A ce moment là je triais, je sélectionnais, je supprimais et je ramenais ces clones, ces jumeaux et jumelles, si proches et si différents, incarnations d’une même personne dans des moments et des intensités énergétiques suffisamment éloignés pour que j’imagine qu’ils ou elles étaient plusieurs. Celle qui était dans la cuisine n’était pas importante. Elle n’était qu’une de celles qui lui ressemblait et qu’on faisait tourner autour de moi. De toute façon j’ai tué tout le monde. Mentalement. Un jour ou l’autre. Dans mes scénarios. Jusqu’au scénario final. Le grand départ collectif, progressif, par un jeu de dominos dont j’avais défini le chemin critique. La mort. Décidée par ceux qui en avait le pouvoir. La fin de l’humanité. Parce qu’on ne s’en sortirait pas. La mort douce pour un maximum d’entre nous. Une disparition sans douleur. Sans souffrance autre que la souffrance morale de savoir que l’on va en terminer. Atténuée par le réconfort de savoir que tous vont en terminer. La pire des souffrances pour moi à l’hôpital fut peut-être de me voir supplier et implorer ceux qui étaient aux commandes de ne pas m’effacer de la mémoire du monde, de ne pas me sacrifier et continuer. Je ne pouvais pas m’en empêcher. Moi qui avait au gré de mes scénarios toujours fini par accepter mentalement l’idée que certains s’en iraient, tentant de me convaincre qu’ils avaient plus ou moins choisi, je me voyais soudain terrorisé à la simple idée de disparaître, d’être effacé du monde, de n’avoir jamais existé. Pour personne. Je pensais que c’était possible. D’effacer des souvenirs de la mémoire de ceux qui restaient. Je le pensais parce que je ne voyais pas comment rester et continuer en sachant qu’on m’aurait sacrifié. Et pourtant. Je pensais que je pourrais rester. Même en sachant que j’avais été l’instrument du choix de ceux qui resteraient. Comment expliquer que j’ai pu accepter ces idées ? Comment expliquer que je n’avais pas le choix, qu’elles s’imposaient progressivement, de plus en plus puissamment, sans jamais que mes tentatives de contournement, de réfutation n’aboutissent ? Comment expliquer tout cela tout en prétendant que j’étais toujours conscient ? Conscient de quoi d’ailleurs ? Conscient du torrent qui me chahutait, qui me roulait dans des vagues toujours plus violentes ? Même pas vraiment. Je croyais encore être capable de surfer. Je croyais que c’était mon devoir, ma mission. Surfer sur la crête d’une conscience bouleversée, vannes de l’inconscient ouvertes au maximum. Je croyais que j’y arriverais, que je serais à la hauteur. Je croyais que vous m’admiriez pour cela. Et j’avais terriblement peur de cette admiration.

http://www.myspace.com/divingwithandy

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