Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chroniques maniaques
27 octobre 2006

Les amoureux – Stock Exchange (Miss Kittin & The Hacker)

L’amour. Et son antithèse. Champagne in Mercedes cars. Le marché. Noire évocation désincarnée des amours tarifées. L’amour. What is love ? J’aime Elodie. Plus que jamais. Au moment où elle va s’en aller. Je vais la laisser partir. Ne pas tenter la reconquête. Peur du pathétique. Ou du ridicule. Trop tard peut-être. Comme si je tentais de me convaincre que je ne peux rien, me drapant dans mon ego une dernière fois. Aimer. Je les ai toutes aimées. Intensément. Au point de ne plus savoir si c’était de l’amour ou simplement un délire désincarné et possessif. Trop-plein d’amour. Eruption soudaine, flot d’émotions, de sensations incontrôlées. Aimer. Je ne suis pas convaincu de réellement savoir ce que cela veut dire. Pas encore. Image d’Epinal d’un amour sublimé, au-delà du désir sexuel.  « Le sexe est aussi peu nécessaire à l’amour que l’amour l’est au sexe ». J’ai écrit ça un jour de 2001, dans mon carnet, sur le ferry qui nous amenait de Moskenes à Bodo, quelque part au nord de la Norvège. Prémisses de ce qui se profilait déjà. « Love, like Santa Claus for babies ». Deux ans plus tard. Au cœur de mon mix pour le monde. Seul chez moi, le volume de ma chaîne à fond, je passe de la musique pour résumer ma position, pour m’expliquer. Convaincu que le monde entier écoute, que les spécialistes analysent l’enchaînement des morceaux, ma propre construction progressive et logique. J’ai senti un frisson me parcourir à cet instant précis, quand la magnifique voix légèrement rageuse d’Anomolies a prononcé ces mots. Le premier réel frisson, avant le déchaînement progressif de ces réactions corporelles. J’ai pensé que vous aviez peur que je le pense. J’ai continué. J’ai enchaîné les morceaux. Je voulais communiquer, expliquer, montrer. Je jouais. Mêlant ironie et messages cruciaux à mes yeux. Deux fois. Le vendredi. Puis le samedi. Comme un résumé de ces six mois passés à courir dans tous les sens, à chercher Moksha sans réellement comprendre pourquoi. A essayer de m’expliquer pourquoi et comment je pensais soudainement l’aimer sans pour autant vouloir quitter Elodie. Trop confortable ? Je ne sais pas. Objectivement. Je me suis posé la question. Je ne le crois pas. Je ne comprenais simplement pas. Moi qui était si loin du monde, si timide, effrayé par le moindre geste ou la moindre parole qui pourrait être sujette à interprétation, me voilà soudainement déchaîné, submergé par un sentiment puissant. Le samedi soir, j’ai terminé avec the Aloof, Good Morning World. Pour les Japonais. Le soleil devait se lever là-bas. J’ai cuisiné des pâtes, avec le sentiment du devoir accompli. Soulagé. J’avais tout expliqué, tout rendu, tout rebalancé vers ce monde qui avait tant joué avec moi. C’était fini.

Deux heures plus tard, quand Hélène est entré sur le plateau de Tout le monde en parle, tout s’est effondré. Je n’avais rien compris. C’était elle. Nécessairement. La dernière carte du camp d’en face. Celle qui était là pour me montrer que je n’étais rien. Et tout à la fois. Je l’ai observée minutieusement, hyper-concentré, dans mon salon, devant ma télé. Quand elle a quitté le plateau, j’ai éteint la télé. Je me suis levé, j’ai regardé les mille cinq cents CDs qui sont sur mes étagères. J’ai su instantanément ce que vous vouliez que je fasse. J’ai capitulé. J’ai pris la bande originale de Jusqu’au bout du monde et j’ai sélectionné les morceaux qu’il fallait pour montrer que j’avais compris. Et que j’acceptais. What’s good. Move with me. Fretless. (I’ll love you) till the end of the world. Calling all angels. Humans on Earth. Finale. L’amour. Insensé. J’ai fui. Le lendemain. J’ai empilé les femmes sur une liste stupide. Sans comprendre pourquoi nécessairement. Parce que cela ne s’arrêtait plus. Lancé comme une locomotive folle. Tout, sauf être un de ces fans énamourés. Trois jours démesurés, jusqu’à l’hôpital. Puis trois jours de descente. J’ai cru que c’était fini. Trois mois plus tard, à Marie-Galante, début de soirée. Nous sortons de chez le frère d’Elodie. Je monte à l’arrière de la voiture, Elodie part devant pour ouvrir le portail. Il allume la radio. Les accords finaux d’un concerto. Patrick de Carolis au micro. Accueillant pour lui décerner une Victoire d’honneur, en direct de Lille, à trois mille kilomètres de là, Hélène Grimaud. J’ai souri. Je me suis dit que c’était invraisemblable. Qu’il fallait que je raconte tout cela. Je me suis dit que j’étais guéri. Que c’était fini. J’avais tort. Elle n’est jamais sortie de mon esprit. Elle a traversé toutes mes crises, toujours présente, toujours sur ces listes qui n’en finissaient plus de se remodeler. Seule parfois. Je ne pouvais pas le croire. Je luttais sans cesse, essayant de comprendre ce qui me faisait imaginer que ce serait possible. Un soir, seul dans cette maison du Poitou dans laquelle j’écrivais, je me suis allongé. J’ai accepté. De l’aimer. Et j’ai basculé. Je me suis dit que c’était fini. Que vous alliez me tuer. Que vous n’aviez plus besoin de moi. L’idiot heureux. J’ai senti mon cerveau se dissoudre, fondre dans une luminescence dorée, j’ai senti le sourire béat qui se formait sur mes lèvres, les yeux rivés sur le ciel étoilé à travers la lucarne de la chambre. Je me suis laissé aller. Je me suis endormi. Convaincu de ne jamais me réveiller. Heureux.

J’ai aimé tout le monde. Femmes, hommes. Je les aimés comme si c’était la dernière fois que je les voyais. Intensément. Dramatiquement. Parce que j’étais convaincu qu’ils tournaient autour de moi avant de disparaître. Indescriptible tension émotionnelle qui se transcendait dans un amour d’une pureté que je jugeais infinie. Illusion d’un esprit perturbé. Aimer tous comme chacun. Impossible. Insoutenable. Je ne peux plus. Parce que j’ai peur. Peur de ce que cela peut vouloir dire. Peur de ce à quoi cela m’a conduit. La souffrance indicible et magnifique causée par une telle intensité. L’impression d’accéder à une beauté violente et sauvage, au cœur de la vie. L’amour de l’involontaire bourreau pour ses victimes. L’amour pour les ordures, les meurtriers, les violeurs d’enfants. L’amour des femmes, l’incroyable érotisme du mouvement d’un corps, imperceptible parfois et irradiant à d’autres. Saturation permanente de mon cerveau. Décharge continue d’endorphines. Dans une autre dimension. Irréelle. Surréelle plutôt, greffée sur le réel, se nourrissant en permanence du réel, le tordant et le modelant pour toujours continuer, toujours aller plus loin. Un amour infini qui ne se résolvait que dans la mort. Systématiquement. Comme s’il était trop impossible pour y échapper, pour se matérialiser. Je n’ai jamais réellement lâché prise. Je ne me suis jamais précipité dans une tentative de réaliser ce qui hurlait dans ma tête. Comme si un principe de réalité m’avait toujours maintenu dans les limites de l’acceptable, une auto-censure suffisante. Pour combattre, résister. Ne pas aimer trop. Ou ne pas me confronter à la réalité. Je ne le saurais jamais. Je n’ai peut-être que tenté de préserver ce rêve d’un amour ultime, de sa possibilité. J’ai peur de ne plus jamais pouvoir aimer ainsi. D’être toujours en-deçà, prudent, précautionneux, limitant et restreignant ce qui en moi ne cherche qu’à s’étendre. Moi qui ait si longtemps cru que je n’aimais pas assez Elodie. Que je n’étais pas assez pur. Exigence permanente de plus d’authenticité. Je l’aimais. Je le sais maintenant. Je l’aime plus encore aujourd’hui. Et pourtant elle s’éloigne. Tout en restant très proche. Paradoxe à nouveau. Il faut que j’apprenne à vivre avec ça. Il faut que j’essaye. J’ai peur. De me retirer du monde. De ne plus aimer jamais. Il faut peut-être que j’en passe par là. Que je laisse la place à autre chose, de différent, de plus serein et calme. Profond. Une autre forme d’amour. Je préfère l’amour à la compassion. Parce que je la comprends moins je crois. Ou plutôt parce que je ne la connais pas vraiment.

http://www.gigolorecords.com/data.pl?artist=18

Publicité
Publicité
Commentaires
Chroniques maniaques
Publicité
Chroniques maniaques
Derniers commentaires
Archives
Publicité