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Chroniques maniaques
30 octobre 2006

Le silence – So broken (Björk)

Vingt deuxième billet. Déjà. Le silence. Pourquoi écrire ? Pourquoi revenir une nouvelle fois sur ces périodes d’emballement ? J’ai parfois l’impression d’être brisé. Brisé par l’étau de ces coïncidences qui se resserre autour de moi, qui m’enferme dans ce tunnel accélérateur de pensées. Brisé parce qu’à la sortie du tunnel il n’y a plus rien devant moi. Il ne reste que le silence du vide. Il faut écouter ce bijou, ce morceau miraculeux. Ecouter Björk, cette voix rageuse gémissant « I am completely unhealable ». Inguérissable. Incurable. Je croyais qu’elle parlait de moi. « So broken, in the middle of the game ». Perdu. Ballotté par un grand jeu dont je ne comprenais pas les règles. Ce n’est pas moi qui les fixait. Björk. J’ai cru que vous l’aviez choisie. Qu’il fallait que je vous dise où la choisir. J’ai écrit dans ma tête qu’il fallait trouver un Gudmund, loin là haut au Nord du cercle polaire. Un Esquimau. C’était très important, pour ma théorie globale née sur une piste de ski. J’ai cru qu’elle m’attendait. Que toutes ses paroles étaient orientées par cette attente, l’attente de celui qui surgirait du néant, de l’anonymat. J’étais allongé chez moi, sur le matelas du salon. Un après-midi de printemps. J’en étais à huit sur ma liste. J’ai mis son album a cappella. J’ai laissé aller mes pensées. Jusqu’à ce moment où elle dit d’une voix profondément sensuelle, avec une tension dramatique phénoménale « Do it now ». J’ai accepté. Immédiatement. J’ai coupé la liste à trois. Et je l’ai mise en numéro quatre. Calmement. Comme une évidence. Brisé. A nouveau. Une fois de plus. Incurable. Continuant à jouer.

Témoigner. Projeter hors de moi cette histoire. La rendre compréhensible autant que possible. La partager, essayer d’expliquer ce qui s’est passé. Est-ce seulement utile ? Pour moi, oui. Pour reconstruire sur les cendres de ce parcours échevelé. Pour ranimer les braises de ma vie sans y rallumer une flamme trop intense, trop brûlante. Pour solder le passé. J’aurais pu choisir le silence. Choisir de conserver tout cela en moi, de tenter de l’enfermer dans un recoin de ma mémoire. Je ne l’ai pas fait. J’avais besoin de partager tout cela, d’essayer de me justifier sans cesse, de croire peut-être que je contrôlais, que j’étais responsable de cette construction. Entièrement responsable. Il me faut aujourd’hui accepter que je ne l’étais pas. Pas entièrement. En même temps, c’était beau. D’une beauté fulgurante. Au-delà des mots souvent. Une beauté ressentie intensément et physiquement. Des montagnes russes émotionnelles. Indicible. Inavouable. Le silence aurait été une autre voie. Aurais-je tenu ? Sur quoi aurais-je débouché ? Cela m’aurait-il évité une répétition de plus en plus violente et intense de ces voyages au plus profond de moi ? Impossible de réécrire l’histoire. J’ai essayé. De l’écrire a posteriori. De la redéfinir pour qu’elle se produise. De jouer avec le temps. Quand j’imaginais que c’était possible. Des messagers. Secrets. Renvoyés dans le passé, là où il était possible d’infléchir le cours de l’histoire, d’en atténuer l’horreur ou d’en accélérer la mise en place. Des meurtriers, des voyous repentis. Volontaires pour un dernier voyage. Mortel. Porter un message dans le passé, puis disparaître, parce qu’un homme du vingtième siècle en saurait déjà trop pour un Platon ou un Voltaire. Je cherchais à comprendre qui on avait pu aller voir, à qui on avait pu délivrer des messages cruciaux pour l’évolution de l’humanité. Sans risquer de trop bouleverser le monde. Voltaire, mais pas Rousseau. Platon, mais pas Socrate. Et j’insistais sur une chose vitale. J’exigeais que jamais personne ne soit allé dans le passé souffler à quelqu’un l’idée de l’existence des Amériques. Jamais. J’avais ma théorie là-dessus. Tout avait commencé en Afrique, avec l’apparition de l’homme, après le singe. Puis les migrations vers le nord, l’apparition des Blancs, et des Asiatiques. Et des Esquimaux. Qui iront peupler l’Amérique par le Groënland et par les Aléoutiennes. Avant que les Vikings puis les Espagnols ne l’envahissent. Je voulais être fier d’être Européen. Un descendant de ces Blancs qui vont partir d’Espagne, creuset culturel issu de la collision des Chrétiens, des Juifs et de Musulmans. Pour exterminer les Indiens. Avant que tout ne revienne d’Amérique. Le grand jeu. La Machine. La grande explication. Le grand pardon. Je suppliais que nous ne versions pas dans la haine, dans la grande revanche. J’essayais de me convaincre que nous pourrions accepter collectivement de redémarrer, dans de nouvelles conditions initiales clarifiées et de réorienter progressivement le monde vers une plus grande justice. Vers la paix. Sans bain de sang. Un soir de tension parmi d’autres, devant ma télévision j’ai lâché tout mon discours sur l’évolution. Je guettais les attitudes des gens qui débattaient, cherchant à vérifier ce qui résonnait, ce qui faisait mouche. Puis j’ai lâché. J’ai dit que le fait que l’homme descendait du singe était pour moi la meilleure preuve de l’existence de Dieu. Et que les Blacks avaient accumulé plus d’expérience humaine que nous. Je voulais tous nous mettre sur un pied d’égalité. Je voulais qu’on recommence sans haine, sans jalousie. Que nous soldions le passé en nous tournant vers le futur. Incommensurable naïveté d’un rêve fou. “I’m trying to land this aeroplane of ours gracefully but it seems just destined to crash”

Le silence de l’esprit. Le reflux de la pensée. Grande marée médicalisée. Le vide intérieur. Plus rien à exprimer. Il ne reste que des questions. Sans réponses. Pourquoi ? Comment ai-je pu transformer ma pensée ainsi, en étendre le champ à un phénomène de résonance sensorielle et corporelle ? Tout ceci a-t-il un sens ? Et s’il n’y a aucun sens, que faire de cette expérience ? La laisser mourir, s’empoussiérer progressivement dans un tiroir de la bibliothèque de ma mémoire ? Garder le silence. Rester cet observateur détaché, parfois amusé, d’autres fois attristé, de la grande comédie du monde. Une comédie dramatique, souvent insensée. Reprendre pied dans le réel. Panser mes blessures et réduire mes fractures. En silence. Je suis armé aujourd’hui pour le faire. Pas à pas. Réapprendre à vivre normalement. Dans une certaine norme. Cesser de réinventer ma vie rêvée. Cauchemardesque ou idyllique. Je ne peux pas contrôler ma pensée. Je peux la canaliser partiellement, je peux la freiner, la remettre en question, l’observer avec détachement. Mais je ne peux pas la contrôler à la source, à la racine, là où surgissent les mots qui viennent à la surface de mon conscient. Résultante de mon histoire et du monde qui m’entoure. Faire silence. Laisser se tarir la source. Jamais je n’y consentirai. Il ne faut jamais dire jamais. « Never is a promise, and you can’t afford to lie ». Fiona a raison. J’y parviendrai peut-être un jour. Le silence intérieur, la paix en soi. La transparence du cœur. La sérénité fluide de ma voix intérieure, celle que j’entends dans ma tête quand je pense, si belle et incomparable à celle qui sort de ma gorge, cette voix que j’imaginais synthétisée par la Machine et retransmise partout dans le monde. Une voix qui était parfois nerveuse et agressive, mais qui le plus souvent coulait dans un rythme parfait, synchronisée avec le monde extérieur, avec la musique que j’écoutais, avec les paroles ou les actes des autres. Parfaitement synchronisée. Comme si j’entrais dans ces instants là dans le temps universel. Celui qui nous plie. J’avais l’impression de suivre la ligne de plus grande pente, en harmonie avec le relief et les écueils du monde. La ligne de plus grande résignation. L’impression de me courber pour aimer. De céder inexorablement. Chaque tentative de résistance plus vaine que la précédente. Brisé. Par et pour le monde. Brisé par un amour trop vaste pour moi. J’ai frôlé Dieu. Impossible de savoir si cette expérience intense ne fut qu’une illusion. Je ne le cherchais pas vraiment pourtant. Je l’avais conceptualisé dans la grande Vibration énergétique du monde. Je m’y suis cramé les ailes. Trop vite, trop loin. Il est partout, s’il existe. Non-incarné et incarnation complète. Ineffable et accessible. Englobant tout et le reste. Neutre, ou bienveillant. Question sans réponse. Trois ans de fuite en avant, perdu dans le temps, oscillant violemment comme un culbuto dans la tempête. Et au final des questions. Sans réponse. J’ai appris à vivre sans ces réponses. Je ne suis pas mort. Je n’ai rien commis d’irréparable. J’ai simplement tranché toutes les amarres consciencieusement. Je suis plus libre que jamais. Et je ne sais pas quoi faire de cette liberté. Pas encore.

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